viernes, mayo 01, 2009

Fiction et écologie chez Marguerite Yourcenar



Marguerite Yourcenar a soutenu, surtout dans la dernière période de sa vie, que l´écologie était au centre de son expérience vitale : « L´écologie est une des mes préoccupations principales depuis longtemps. Je crois bien avoir été alertée avant que le problème se soit peu à peu imposé dans les journaux et les médias » dit-elle dans ses entretiens avec Matthieu Galey. Il faudrait souligner qu´à ce propos elle a mené une activité publique de soutien aux associations de défense de l´environnement et des animaux. Cet engagement est sans aucun doute présent dans son imaginaire littéraire, fictionnel ou autobiographique, où le paysage joue souvent un rôle fondamental pour nous montrer la nostalgie d´un monde qui n´est pas encore défiguré par l´homme. J´ai développé cette idée dans plusieurs de mes articles sur cette extraordinaire écrivaine, première femme à être admise dans l´Académie Française.
Nathanaël, le protagoniste de son dernier roman _Un homme obscur_ représente d´une certaine manière l´orientation écologique de l´écrivaine. Sans aucun doute, le paysage acquiert une importance notoire dans le texte yourcenarien. Sa présence est constante non pas comme un décor mais pour nous rappeler sa grandeur et sa fragilité. Marguerite Yourcenar nous enseigne que dissocier l´humain de la nature a des conséquences néfastes. C´est pour cette raison-là que le roman se caractérise par une poétique de l´harmonie et nous présente un personnage qui passe de l´autonomie individuelle à la dissolution dans la nature. Marguerite Yourcenar inscrit dans ce texte sa préoccupation pour la Terre. Sa pensée, parfois teintée de mysticisme, s´exprime au moyen d´une fiction marquée par le dénominateur commun de la renonciation ultime du personnage à la vie au profit de sa fusion avec la nature. Par ailleurs, Nathanaël s´érige-t-il comme un personnage qui dépasse les bornes de la subjectivité masculine telle qu´elle est socialement construite. Il arrive jusqu´à remettre en question les identités de genre et les tabous sexuels. En outre, on n´aperçoit pas de traces d´androcentrisme ou d´anthropocentrisme dans l´écoulement de sa conscience lorsqu´il s´apprête à franchir l´ultime porte vers la dissolution dans la nature : « il ne se sentait pas (…) homme par opposition aux bêtes et aux arbres ; plutôt frère des unes et lointain cousin des autres ». Quand il se laisse mourir, il devient un être écologique à part entière. Yourcenar a toujours dit que ses livres ont marché de pair avec ses propres cheminements dans la vie. À la fin de son existence, son grand vœu a été sans doute de préparer un monde futur plus propre et plus pur, mais aussi elle pensait à de nouveaux rapports avec la Nature. C´est pour cette raison-là qu´elle n´a pas cessé de se manifester contre « les assassins » de la nature et « les bourreaux des bêtes ».