viernes, diciembre 18, 2020

Victor Hugo et la musique de Beethoven

 



A partir de 1840 on trouve chez Victor Hugo la référence musicale qui va l´accompagner jusqu´à la fin de sa longue vie : Beethoven. Dans une partie manuscrite finalement non introduite dans son William Shakespeare, il parle des colères créatrices propres aux grands artistes. Ainsi, se référant à l´Allemagne il note. « Ce sont ces colères qui font de Schiller le premier poète de l´Allemagne. Schiller est ému et puissant. Il a en lui la grande âme allemande. L´âme allemande lorsqu´elle s´incarne, crée des hommes sublimes. Elle est, quand bon lui semble, toute la métaphysique, elle s´appelle Kant ; elle est toute la musique et elle s´appelle Beethoven ». Ce compositeur est « le grand allemand », sa musique le fascine parce qu´elle est pure harmonie et une symphonie sonore unique. Lorsque Beethoven n´est plus à la mode, il continue d´être émerveillé par la faculté qu´un génie sourd a de composer une musique éblouissante. C´est lui son préféré dans sa réflexion sur le mystère de l´art. Beethoven a su noter l´harmonie zodiacale des sphères dont parlait Platon. C´est un compositeur qui n´a besoin de l´oreille car dans sa surdité le verbe harmonique et symphonique est présent. Hugo parle des symphonies du compositeur de manière très poétique. Sa musique est comme une voix qu´on ajoute à l´homme. Il y voit un magnifique dialogue entre l´âme et la nature, entre la mélodie et l´harmonie. C´est une musique unique, un bruit qui pense. Le poète conclut ainsi son éloge de Beethoven : « Ces symphonies éblouissantes, tendres, délicates et profondes, ces merveilles d´harmonie, ces irradiations sonores de la note et du chant, sortent d´une tête dont l´oreille est morte. Il semble qu´on voie un dieu aveugle créer des soleils ». Je considère que ces propos sont une belle définition de ce qu´il entendait par l´acte créateur. La surdité l´oblige à créer à partir du silence du chaos harmonique que l´orchestre doit traduire. Certes, la matière que l´artiste possède est le langage, mais ce langage relève de l´invisible, de l´inconnu. La tâche du créateur consiste à réguler le chaos sans pour autant renoncer à lui, à sa richesse expressive. Comme le signale Jean-Pierre Richard à propos de Hugo, le langage dans la rêverie de Hugo s´offre comme le chaos et ce qui le détache du chaos : « Il est le « chaos qui lutte comme l´homme », mais l´espace aussi où l´homme se rend maître, ou du moins signifiant de son chaos ». Il est certain que le goût musical du poète se manifeste de manière restreinte dans son œuvre. Toutefois, outre son admiration beethovénienne, il a constamment eu recours à des métaphores sonores et musicales. La nature lui offre des voix et des bruits qui sont des messages de ce langage informe qui annonce par ailleurs des révélations secrètes de l´univers que le poète doit transcrire. Hugo a été un grand visuel et ses impressions auditives sont d´une puissance imaginative hors pair. Les extases cosmiques des poèmes inclus dans « Autrefois » (Les Contemplations), « une âme qui se raconte », sont un exemple de sa musicalité marquée par l´harmonie de la nature dans sa totalité. Comme Beethoven, c´est un visionnaire qui créé à partir de la « nébuleuse de l´art », c´est ainsi qu´il qualifiait la musique, tous les sons de « l´immense clavier » qu´est la nature.

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